Rebond technique sur les prix des céréales
Le marché des céréales rebondit après quatre semaines de baisse consécutive. Ce repli généralisé suscite l’intérêt des acheteurs à l’image de la Tunisie en blé tendre, de la Chine en orge fourragère ou encore des rumeurs d’achats chinois en maïs. Le caractère durable de ce mouvement dépendra des négociations en cours sur la reconduction de l’exonération de taxe à l’importation pour un an pour les matières premières ukrainiennes au sein de l’Union européenne.
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Un vote majeur pour les céréales européennes à Bruxelles
Après avoir franchi la barre psychologique des 200 €/t, le blé meunier rendu Rouen clôture la semaine à 195 €/t. Cette fluctuation des prix n’est qu’un témoin de ce qu’il se passe sur la scène internationale depuis plusieurs mois. La concurrence exacerbée entre les exportateurs reflète l’importance des disponibilités de fin de campagne, notamment dans la zone de la mer Noire et en Europe.
Dans le même temps, le marché domestique européen souffre de l’affluence plantureuse de céréales ukrainiennes. Depuis le début de la campagne, les importations de blé en Europe s’approchent des 6 millions de tonnes. Les agriculteurs montrent leur mécontentement. En Pologne, les producteurs dénoncent à la frontière ukrainienne, une concurrence déloyale en renversant sur les routes et les chemins de fer quelques tonnes de blé transitant par leur pays. Les discussions quant à la reconduction de l’exonération des taxes à l’importation sont en cours à Bruxelles et seront un enjeu majeur dans les prochains mois.
Malgré ce contexte morose, notons que l’activité portuaire française s’accélère à la fin de ce mois de février, avec près de 580 000 tonnes de blé qui s’apprêtent à être exportées cette semaine. Les regards se tournent désormais vers la Tunisie qui lance un appel d’offres de 100 000 tonnes de blé. La prochaine récolte commence progressivement à se faire remarquer. Les perspectives optimistes en Russie détournent l’attention des opérateurs des semis en Europe, perturbés par les précipitations.
Du côté de la météo, les précipitations devraient rester anormalement excédentaires en Europe de l’Ouest, n’aidant pas les conditions de culture à s’améliorer. FranceAgriMer témoigne de conditions de culture en baisse par rapport à l’an dernier, avec seulement 69 % des surfaces en bonnes à très bonnes conditions, contre 95 % l’an passé à la même.
Le maïs européen souffre des exportations ukrainiennes
Le rebond des céréales profite au maïs français. Ainsi, après trois semaines consécutives de baisse, le maïs rendu Bordeaux en base juillet gagne 7 €/t pour atteindre 172 €/t. Le caractère durable de ce mouvement semble cependant compromis au regard de la dynamique à l'exportation des céréales en Ukraine. Les exportations tendent à se rapprocher des niveaux d’avant-guerre.
En janvier, 6,4 millions de tonnes de grain ont été exportées et la situation sur février semble prendre la même direction, avec près de 3 millions de tonnes exportées au milieu du mois. L’Europe est l’un des principaux acheteurs de ces volumes et souffre de l’excès de compétitivité des prix ukrainiens. Les manifestations de producteurs européens témoignent de cette concurrence considérée comme déloyale. Le Parlement européen votera prochainement pour la reconduction des exonérations de taxe à l’importation des matières premières ukrainiennes.
À l’échelle internationale, les opérateurs surveillent également les ventes à l’exportation américaines. Celles-ci atteignent à ce jour 68 % de l’objectif annuel de l’USDA (ministère américain de l’Agriculture), soit une dynamique en phase avec les attentes. Les perspectives dans ce domaine aux États-Unis dépendront également de la récolte sud-américaine.
À ce sujet, le Brésil a longtemps catalysé le marché du maïs. Dans son rapport de février, l’organisme de la Conab (Compagnie nationale d’approvisionnement) affiche même un certain pessimisme en révisant à la baisse la production brésilienne de 3 millions de tonnes, à 113,5 millions de tonnes. Néanmoins, la situation semble aujourd’hui nettement favorable. Les semis progressent rapidement et les conditions de culture se veulent rassurantes. Il en est de même en Argentine où 28 % des surfaces sont jugées dans un état bon à excellent contre 9 % l’an passé à la même. Cette situation tend à confirmer les perspectives d’une récolte supérieure à 50 millions de tonnes, estimée selon l’USDA à 56 millions de tonnes.
Pression du complexe oléagineux
Après le rebond de la semaine dernière, les cours du colza ont corrigé, s’affichant en baisse hebdomadaire de –7 €/t, à 414 €/t Fob Moselle. Le colza subit la pression de l’ensemble du complexe oléagineux, et notamment du soja. Les bonnes perspectives de production en Amérique du Sud rassurent et entraînent la correction des prix du soja. Dans le même temps, le repli de l’huile de soja à Rotterdam oblige l’huile de colza à suivre la même tendance pour conserver de la demande.
Du côté de la graine, les flux de colza en provenance de l’Ukraine depuis le début de la campagne apportent de bonnes disponibilités en Europe à court terme. Ces flux vont tout de même progressivement ralentir et les importateurs comptent désormais sur davantage d’importations en provenance de l’Australie. Les flux se mettent progressivement en place mais soulèvent des questions en raison de la poursuite des tensions en mer rouge, perturbant le passage des navires dans le canal de Suez et ainsi les flux entre l’Asie-Océanie et l’Europe. Face à cela, l’Europe pourrait compter sur quelques volumes de canola canadien, qui continue de se replier et regagne de la compétitivité sur le marché mondial.
Les regards se tournent également du côté de la nouvelle campagne. Une hausse des surfaces ukrainiennes de colza est attendue, passant de 1,4 Mha l’an passé à 1,5 Mha en 2024. Le développement des cultures reste sous surveillance mais ces volumes pourraient permettre l’approvisionnement d’une partie des besoins européens en nouvelle campagne.
Nouveau repli des tourteaux
Les prix des tourteaux de soja se sont une nouvelle fois repliés cette semaine, revenant à 469 €/t en spot délivré Montoir et en baisse de 13 €/t sur la semaine. L’arrivée des récoltes au Brésil rassure. Si les potentiels de production ont plusieurs fois été revus à la baisse par les analystes mondiaux, la récolte brésilienne sera proche de 150 millions de tonnes, soit la seconde plus importante production après les 162 millions de tonnes de l’an passé. Les récoltes progressent rapidement et l’activité à l’exportation s’accélère avec 7,3 millions de tonnes de soja prévues sur le mois de février, bien au-dessus des 4,8 millions de tonnes en moyenne quinquennale à ce jour.
Cette dynamique devrait continuer de s’accélérer tandis que les conditions de culture se stabilisent en Argentine. Le retour des pluies rassure, avec 31 % des surfaces en bonnes ou excellentes conditions, et les potentiels de production sont toujours supérieurs à 50 millions de tonnes. Avec plus de 200 millions de tonnes de production attendues en Amérique du Sud, l’activité de trituration devrait s’accélérer, apportant des disponibilités de tourteaux suffisantes sur le marché mondial.
Les approvisionnements en Europe seront facilités et le rebond de la parité de l'euro par rapport au dollar au-dessus de 1,08 est bénéfique pour les importateurs européens. Enfin, le soja américain manque de compétitivité à l’exportation face à l’arrivée des volumes brésiliens. À plus long terme, les surfaces de soja américains pour la nouvelle campagne sont attendues en hausse et la fenêtre des semis sera à suivre à partir du mois d’avril.
Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : concurrence des prix du blé en région mer Noire, dynamisme de la demande mondiale, activité à l’exportation du blé français, conditions de cultures du blé en France et en Europe, position des fonds, potentiel de production de maïs et de soja en Amérique du Sud, flux d’importation de colza en Europe.
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